Impossible d'emprunter hier soir les quais de Seine à Clichy entre le pont d'Asnières et le pont de Clichy. Dès 18 h 30, les barrages de police se sont dressés afin de dévier la circulation sur l'autre côté des berges. Simultanément, des camions de CRS s'installent dans la rue Bérégovoy et des barrières Vauban sont alignées dans les ruelles de Clichy pour empêcher quiconque de rejoindre la Seine, même à pied. « Non, il n'y a pas d'accident, assure un policier à un riverain qui s'inquiète de rentrer chez lui. C'est une opération de police. » Une intervention particulière puisqu'il s'agissait de la reconstitution de l'accident qui a coûté la vie à trois policiers de la brigade anticriminalité de Levallois, le 17 mars dernier.
Le choix de bloquer le quai à une heure de pointe n'était pas un hasard. Il fallait attendre qu'il fasse nuit, comme en cette tragique soirée d'hiver. Ce lundi 17 mars, vers 21 heures, un appel est lancé sur les ondes de police, pour signaler un vol à la portière dans une Audi, sur la commune de Neuilly. Quatre policiers de la BAC de Levallois, à bord d'une 306, prennent en chasse des fuyards sur un scooter gris 500 T-Max, et une puissante moto Fazer bleue. Les deux grosses cylindrées filent quai de Clichy, en direction de Saint-Ouen. Un cyclo de livraison de pizzas débouche alors brusquement de la berge, en contrebas. Le conducteur de la 306 déboîte pour éviter de percuter la mobylette, perd le contrôle de la voiture, qui fait une embardée et s'encastre dans un platane en bordure de Seine. La voiture s'embrase. Le brigadier Hubert Paris, les gardiens de la paix Florent Niel et Cyril Farre mourront. Seul Stéphane Motoya, 30 ans, survivra. Après une période de coma, il reste très grièvement brûlé par les retours de flammes. L'arrestation des suspects se fera en plusieurs temps. Quelques heures seulement après l'accident mortel, un adolescent de 17 ans est arrêté à la cité du Franc-Moisin, à Saint-Denis, par une patrouille de l'unité mobile de sécurité du 93 qui venait de découvrir le scooter gris. Passager supposé du scooter, l'adolescent était à ce moment en possession du sac à main dérobé dans l'Audi à Neuilly. Quatre jours plus tard, c'est le conducteur présumé du scooter qui frappe à la porte de la PJ des Hauts-de-Seine, à Nanterre, accompagné de son avocat. Il se savait recherché mais n'aurait pas, au début au moins, reconnu sa participation aux faits.
Restait celui que les enquêteurs considéraient comme l'acteur essentiel du drame : le chauffeur du cyclo de livraison, un deux-roues volé le même soir dans une cité voisine, à Clichy, et retrouvé abandonné à quelques centaines de mètres de l'accident. Bouleversés par la perte de trois des leurs, les policiers avaient secondé les enquêteurs de la PJ, en quête de celui qu'on avait d'abord décrit comme « blond peroxydé ». Deux mois plus tard, la police met la main sur un adolescent de 16 ans, habitant Clichy. Lui aurait juste essayé le cyclo volé par un copain. Mais ce 17 mars, lorsque le cyclo débouche de la rampe en contrebas, c'est l'accident mortel. Hier soir, deux scooters, un de livraison de pizzas et un autre avec un top-case, étaient sur les lieux de la reconstitution, avec une vingtaine d'hommes, dont certains arboraient le brassard de police. Cette étape indispensable de l'instruction judiciaire devait durer tard dans la nuit. Le Centre régional d'information et de circulation routière annonçait que cette portion du quai resterait bloquée jusqu'à 1 heure.
Le Parisien
Modifié par Thomas, 09 octobre 2014 - 11:50.