Midi libre 04/03/2015.
25 CRS blessés par des tirs de fusil de chasse
Ancien capitaine de la CRS d’Avignon, Alain Crosnier, qui vit dans le Vaucluse, a recueilli de multiples archives pour écrire un livre sur la tragédie de Montredon, vue du côté des forces de l’ordre.
"Au plus haut niveau de l’État, on savait exactement ce qui allait se passer et que les viticulteurs allaient manifester avec des fusils." Parmi les éléments qu’il a recueillis, ces transcriptions des échanges passés par radio entre les responsables de la CRS 24, venue d’Agen, commandée par Toussaint Siméoni, celle de la CRS 26 dirigée par Joël Legoff et le commissariat de Narbonne. "14 h 42 : arrivée sur les lieux. 14 h 45 : train en flamme, 150 manifestants. 14 h 48 : Prêts à intervenir. 14 h 50 : plusieurs blessés par balle dans nos rangs. 14 h 52 : ordre d’utiliser les grenades offensives. 14 h 58 : nombreux nouveaux blessés par balle, situation grave. 15 h 05 : officier blessé. 15 h 09 : en légitime défense, vous pouvez ouvrir le feu. 15 h 16 : officier blessé sérieusement. 15 h 20 : faites abriter vos gens."
220 cartouches de pistolet automatique et de pistolet-mitrailleur et cinq coups de fusil 8 mm
Le bilan chez les forces de l’ordre est très lourd : Joël Legof, 42 ans, touché par trois balles, dont une à sanglier en pleine tête, meurt sur place. La CRS 24 compte 7 blessés, dont 6 par balle, la CRS 26, 24 blessés dont 19 par balles. "On a surtout visé les officiers et les conducteurs de véhicule. À cette époque, la conscription existait, les gens qui ont tiré savaient très bien ce qu’ils faisaient", estime Alain Crosnier. En riposte, les policiers auraient tiré, d’après le dossier d’instruction, 220 cartouches de pistolet automatique et de pistolet-mitrailleur et cinq coups de fusil 8 mm. Le commandant Siméoni, lui-même blessé, refusera toutefois que ses hommes utilisent le fusil-mitrailleur qui aurait pu faire des dizaines de victimes.
L’enquête menée par la PJ de Montpellier amènera l’incarcération d’un viticulteur, Albert Teisseyre, qui passera 72 jours aux Baumettes avant d’être libéré. Il bénéficiera de la loi d’amnistie de 1981 : personne ne sera jamais jugé pour le drame de Montredon-des-Corbières. "Marie-Jeanne Legof, la veuve du commandant, m’a souvent demandé : “Si vous le connaissez, le nom de l’assassin de mon mari, vous me le direz ?", raconte Alain Crosnier. Elle est décédée le 16 janvier 2016. En 2014, la 19e promotion des lieutenants de police a pris le nom de Joël Legoff.