Comme le disait Pierre Dac, « Quand les bornes sont dépassées, il n'y a plus de limites ». Témoin, le mandat que la major d'homme d'un milliardaire moscovite a reçu il y a quelques mois pour racheter tout simplement les actifs azuréens de Réseau Ferré de France... au motif que le nouveau propriétaire d'une villa de rêve entre Beaulieu et Eze enrageait d'entendre au loin siffler le train : « Naturellement, je n'ai pas osé présenter l'offre de rachat à RFF, j'ai fait comme si..., faute d'avoir pu faire comprendre à mon patron que, s'il était en mesure de mettre 100 Me sur la table, tout ne pouvait pas s'acheter ici en France ».
« Une douane pour moi tout seul »
Anecdotique ? Oui, si l'extravagante proposition était un cas unique. Mais ce n'est pas le cas.
Se trouvant un peu à l'étroit dans son palais azuréen de 1 500 m2 habitables, le tout nouveau propriétaire russe d'une villa du Cap Ferrat a, tout récemment, décidé de se donner un peu d'espace. Gagner 500 m2 en surélevant sa demeure de 2,50 m ! Tel était son Graal. Sauf qu'à Saint-Jean, aucune habitation ne doit faire écran au Sémaphore. Erigé en 1862 sur décision de Napoléon-III, l'ouvrage - aujourd'hui sous le contrôle de la Marine nationale - sert entre autre, de tour de surveillance anti-incendie.
« Quand j'ai expliqué à l'architecte de ce monsieur qu'il serait vain de déposer un tel permis de construire, on m'a rétorqué : pas de problème, on finance les travaux de surélévation du sémaphore aussi ! » Le maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat, René Vestri, n'en est toujours pas revenu. D'autant qu'il se murmure dans le village que le coût des travaux de surélévation du sémaphore, se serait élevé à plus de 15 Me que le Moscovite en mal d'espace était, naturellement, prés à régler rubis sur l'ongle.
L'argent, même déversé à grands flots, n'est pas encore au-dessus des lois. Il y a cinq ans, pourtant, las d'avoir à effectuer les formalités douanières comme monsieur tout-le-monde au terminal 1 de l'aéroport de Nice, un de ces nouveaux résidants azuréens était prêt à prendre à sa charge - quel qu'en soit le coût - la construction d'une sorte de douane privée, réservée aux seuls VIP et d'abord à lui-même : « Mon patron ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait pas bénéficier à Nice du même traitement qu'à Mandelieu où sa limousine pouvait pénétrer sur le tarmac pour le prendre au pied de son jet privé », raconte encore Richard Tripodi.
La vedette du Cap Ferrat : un cadeau de 75000 euros
La douane personnelle est naturellement restée un projet sans lendemain. En revanche, depuis un an, les policiers municipaux de Saint-Jean-Cap Ferrat patrouillent bel et bien, eux, à bord d'une vedette d'intervention maritime de compétition qu'un nouveau résidant kazakh du Cap Ferrat a offert à la commune. Un cadeau de 75 000 e. Sans arrière-pensée ? A bord de ce bolide des mers - « c'est le plus rapide de toute la Côte » -, les Municipaux peuvent légitimement se prendre pour Kevin Costner dans Coast Guard.
Fatal : le radar dont est équipée l'embarcation serait si puissant qu'il balaierait les deux tiers de la Méditerranée... donc, de fait, les abords de la somptueuse villa du généreux donateur.
La morale de l'histoire, c'est que, sur fond de surenchères hors limites des oligarques venus de l'est, le marché immobilier devient totalement fou. Si fou que, la semaine dernière, Jean-Marie Taragoni, aménageur privé à Nice, approché par le mandataire d'un député de la Douma en mal de pied à terre azuréen, avoue avoir vécu il y a un mois le « truc le plus fou de sa carrière » : « J'ai proposé au secrétaire de l'acheteur une sublime propriété à Roquebrune-Cap-Martin. Quand je lui ai communiqué le prix de vente de 2,5 Me, il m'a rétorqué du tac ou tac : « C'est trop peu, à ce tarif-là mon client ne prendra pas l'offre au sérieux, il ne se déplacera même pas pour la visiter. » Ce que l'histoire ne dit pas, c'est que même doublé par le vendeur, le prix n'a pas été jugé digne du déplacement du parlementaire milliardaire... Le monde à l'envers !
Jean-François Roubaud
www.antibes.maville.com
La vedette maritime hi-tech sur laquelle patrouillent autour du cap les policiers municipaux, est un cadeau, sans arrière-pensée, d'un milliardaire russe installé à Saint-Jean-Cap-Ferrat. : Photo Franck Fernandes